Rapport de situation et perspectives écologiques (Juin 2009)
(Extrait)
Jean-François Maljean
maljeanjf2003@yahoo.fr
0475/90.59.22
Le site étudié est limité à l’ouest par le petit chemin Vert et le parking du centre sportif, au nord par des terrains de tennis et des champs, à l’est par le Trasserweg et au sud par des terrains de sport. Il s’agit d’un fond de vallon traversé par le Tweebeek.
L’auteur s’est rendu à deux reprises sur le site, en avril et juin 2009, pour y effectuer des relevés botaniques et évaluer la situation et les perspectives écologiques. L’auteur a également bénéficié d’explications très utiles fournies par Mr. Benoît Elleboudt de l’asbl ‘La Promenade Verte’.
L’intérêt biologique essentiel de ce site réside dans la nature même de la formation végétale qui s’y déploie. Il s’agit en l’occurrence d’une aulnaie marécageuse, remarquable par la singularité de sa strate arborescente tout à fait caractéristique, composée en quasi exclusivité d’aulnes glutineux (Alnus glutinosa). En effet, l’aulnaie marécageuse typique est rare en région bruxelloise. Son degré de remplaçabilité est très faible et par conséquent, sa valeur biologique très élevée . Notons encore que l’aulnaie faisant l’objet de cette étude se distingue par la présence de nombreuses sources et bien entendu par sa grande taille, qui approche les 3 hectares.
En outre, le site comporte quatre étangs. Plus particulièrement, celui situé le plus en amont, en forme de fer à cheval, adossé au centre sportif, ainsi que le plus petit d’entre eux, c’est à dire le troisième en descendant vers l’aval, sont les plus intéressants sur le plan biologique. Ces deux étangs sont probablement les plus anciens, comme semblent le confirmer cartes et photos de différentes époques. Cela explique l’intérêt de la végétation qui se déploie sur leurs rives : massette, iris jaune, populage des marais, laîche aiguë, laîche des marais, canche cespiteuse, reine des prés ou encore la véronique aquatique, plante assez exceptionnelle à Bruxelles.
Le site comporte également l’une ou l’autre zones non forestières, dominées par un couvert herbacé, particulièrement à l’extrémité du site, tout à fait en aval.
En fonction de la localisation, de l’humidité du sol et de la proximité des étangs, on observe un éventail de plantes herbacées et arbustives telles que celles déjà mentionnées plus haut, mais également le groseillier rouge, l’herbe aux goutteux, le lierre terrestre, la primevère élevée ou encore la délicate moscatelline, plantes plutôt inféodées aux milieux forestiers frais tels que la frênaie.
Les espèces typiques des chênaies atlantiques sont également bien représentées, citons le houx, la jacinthe des bois, le millet étalé et le sceau de Salomon. Enfin, les espèces ubiquistes et liées aux substrats riches en éléments nutritifs sont nombreuses: alliaire, berce, consoude officinale, ortie ou encore renoncule rampante.
A titre d’information, l’une des seules aulnaies marécageuses typiques, bien connue et documentée en région bruxelloise et celle du Kinsendaal à Uccle.
Ce type d’habitat est donc particulièrement fragile. Les principales menaces pesant sur son maintien sont le drainage, le remblaiement, la plantation de peupliers ou d’autres essences capables d’assécher le milieu et enfin, le tassement du sol, notamment par le passage d’engins. Or précisément, il se fait que cette aulnaie est parcourue par un réseau de profonds et robustes drains à ciel ouvert. S’ils ont l’avantage d’alimenter en eau une cascade d’étangs d’agrément, ces drains on l’inconvénient majeur de rabaisser le niveau de la nappe phréatique et donc d’assécher le sol, menaçant ainsi le maintien d’une aulnaie marécageuse typique.
Et les signes de dégradation sont nombreux malheureusement. Tout d’abord plusieurs espèces végétales caractéristiques de l’aulnaie marécageuse typique sont clairsemées ou manquantes, tels le cirse maraîcher ou la cardamine amère. A l’inverse, les espèces végétales accompagnant généralement la frênaie ou même la chênaie atlantique sont nombreuses, comme le montre la liste en annexe, ce qui signale un assèchement significatif de la zone.
A l’avenir, ces bouleversements, déjà nettement visibles dans la strate herbacée, vont atteindre la strate arborescente. A terme, le frêne, arbre caractéristique des zones moins humides, se substituera à l’aulne, comme l’annoncent déjà les très nombreuses jeunes pousses de frêne qui pointent de toutes parts. Il en résulterait une perte significative d’intérêt biologique.
Un autre problème identifié sur le site est la présence de nombreuses plantations récentes, essentiellement du troène et du cerisier à grappes. D’un point de vue écologique, ces plantations, par principe, ne se justifient pas. En outre, vu leur densité, elles risquent à terme de former une strate arbustive dense, dommageable à la strate herbacée.
En conclusion, vu l’intérêt biologique que revêt une telle aulnaie, il est conseillé de destiner le site prioritairement à la conservation de la nature. La vocation récréative de la zone ne serait pas pour autant exclue dans la mesure où des sentiers pourraient être maintenus. Il faut par ailleurs rappeler que les alentours regorgent de sites et d’infrastructures de loisirs : terrains de sport, chemins de promenade, etc.
Le site mérite sans aucun doute un statut spécial de protection tel que celui de réserve naturelle.
Plus pratiquement, en ce qui concerne la gestion, il est recommandé avant tout de détruire les drains. Cette mesure, en gorgeant d’eau le sol, rendra rapidement à ce marais sa vraie nature. Les mares d’agrément s’en verront affectées dans la mesure où elles seront moins abondamment et plus irrégulièrement approvisionnées en eau. Mais une fois encore, cela se fera au bénéfice de la faune et de la flore dont la conservation devrait primer, pour les raisons évoquées ci-dessus.
Il est également préconisé d’éliminer les plantations artificielles de troène et de cerisier à grappes.
Enfin, vu l’engorgement en eau qu’occasionnerait la destruction des drains, il faut s’attendre à ce que les chemins existants deviennent rapidement impraticables. Ils devraient dès lors être remplacés, du moins partiellement, par des passerelles en caillebotis.
Toutes ces mesures devraient rapidement profiter à l’aulne et à ses espèces végétales et animales accompagnatrices, pour reconstituer un profil caractéristique d’aulnaie marécageuse. Un tel patrimoine pourrait avantageusement être mis en valeur par des panneaux et des promenades didactiques.
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